05 11 2013

Le « grand mandarin Lanterne » au Tonkin : les photographies du docteur Hocquard

Médecin-major au corps expéditionnaire du Tonkin de 1884 à 1886, le docteur Charles-Edouard Hocquard (1853-1911) est aussi un excellent photographe. Il rapporte de son séjour dans le delta du fleuve Rouge de nombreuses vues, à la fois témoignage des affrontements militaires et reportage sur la vie quotidienne, qui sont publiées en album en 1886. Dans le cadre de l’exposition, Indochine. Des territoires et des hommes, 1856-1956 [1], un ensemble de ces photographies est présenté au public au musée de l’Armée.

Pagode des suppliciés, planche de l'album "Le Tonkin, vues photographiques prises par Mr le Dr Hocquard, médecin-major", Paris, Henri Cremnitz éditeur, 1886

Charles-Edouard Hocquard fait ses études de médecine à l’école d’application du Val-de-Grâce avant de prendre un poste de médecin à l’hôpital militaire de Lyon. Affecté en 1883 au 82e régiment d’infanterie, il est nommé médecin-major de deuxième classe et s’embarque en janvier 1884, en tant que volontaire, pour rejoindre le corps expéditionnaire du Tonkin et prendre part à la campagne militaire que mène la France pour étendre ses possessions sur le continent asiatique.

Le docteur Hocquard débarque à Haiphong en février 1884, après une traversée d’un mois. Hanoï, Son Tay, Bac Ninh, Nam Dinh… jusqu’en 1886, il parcourt le Tonkin, en prenant des photographies des lieux, des militaires mais aussi des scènes de la vie quotidienne. Outre ses clichés, il a également laissé un récit de son séjour intitulé Une campagne au Tonkin, publié en 1892 [2] et illustré de gravures réalisées d’après ses photographies. Il y raconte son quotidien : Pavillons jaunes enrégimentés par les français, planche de l'album "Le Tonkin, vues photographiques prises par Mr le Dr Hocquard, médecin-major", Paris, Henri Cremnitz éditeur, 1886« Chaque matin, nous nous mettons en route, Roullet avec son pliant, sa grande ombrelle et sa boîte de couleurs, moi avec mon appareil photographique. […] moi je suis « Ong quan ké dên » (le grand mandarin Lanterne). […] Quant aux appareils photographiques, c’est chose nouvelle sur la côte, les indigènes prennent ma chambre noire tantôt pour un engin de guerre perfectionné, tantôt pour une grande lanterne » [3].

A son retour, le docteur Hocquard présente ses prises de vues à l’exposition universelle d’Anvers en 1885 et obtient une médaille d’or. Les photographies sont publiées par l’éditeur Henry Cremnitz en 1886. Le musée de l’Armée conserve un album, Le Tonkin. Vues photographiques prises par le Dr Hocquard, 1883-1886 [4], comprenant 34 vues, portraits, paysages, scènes de rue… Ces clichés montrent un véritable sens de la composition et une maîtrise de la technique photographique. L’album est entré dans les collections par l’intermédiaire du peintre Maurice Mahut (1878-1929), son dernier possesseur, en complément d’un ensemble d’aquarelles de l’artiste représentant notamment des membres de l’expédition du Tonkin dont quelques-unes sont aussi présentées dans l’exposition du musée de l’Armée.

Tirailleurs tonkinois (Lintap), planche de l'album "Le Tonkin, vues photographiques prises par Mr le Dr Hocquard, médecin-major", Paris, Henri Cremnitz éditeur, 1886

Laëtitia Desserrières, assistante au Cabinet des dessins, des estampes, et de la photographie.

[1] Paris, musée de l’Armée, jusqu’au 26 janvier 2014.
[2] Docteur Hocquard, Une campagne au Tonkin. Ouvrage contenant deux cent quarante-sept gravures et deux cartes, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1892. Ce récit a été publié au préalable en épisodes dans la revue Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages, de 1889 à 1891, sous le titre « Trente mois au Tonkin ».
[3] Docteur Hocquard, op. cit. p. 469. Gaston Roullet (1847-1925) est peintre de la marine, attaché en 1885 à l’Etat-major du général de Courcy (1827-1887), commandant en chef du corps du Tonkin.
[4] Inventaire n° 2003.4.76 ; 30 BIB.
(c) Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Anne-Sylvaine Marre-Noël