19 06 2013

Quand Napoléon franchissait les Alpes

L’exposition Napoléon et l’Europe (ouverte jusqu’au 14 juillet) présente l’une des œuvres majeures de David : Bonaparte franchissant le col du Grand Saint-Bernard. Le passage de ce col est l’un des grands moments de l’épopée napoléonienne, en raison de la difficulté de l’entreprise : le passage d’une armée comprenant 40 000 hommes et plusieurs dizaines de tonnes d’armes (munitions, artillerie…) et de bagages (vivres, fourrage, outils…).

En 1799, une nouvelle coalition européenne se forme contre la France. Profitant du fait que Bonaparte soit en Égypte, les Autrichiens lancent une offensive en Italie du Nord dans le but de reconquérir les territoires libérés par les Français en 1796 et 1797. En trois mois, avec l’aide de l’armée russe, les Autrichiens reprennent de nombreuses villes : Turin, Alexandrie et Milan sont évacuées par les troupes françaises, elles-mêmes assiégées dans Gênes.

A la fin de 1799, revenu d’Égypte et nommé Premier Consul depuis le coup d’État du 18 brumaire, Bonaparte constitue une armée pour délivrer les troupes bloquées par le siège de Gênes. Disposant de peu de temps, il décide d’intervenir par le chemin le plus court, mais néanmoins le plus difficile : la traversée les Alpes par le col du Grand Saint-Bernard.

Modèle réduit (échelle 1/4) de traîneau à canon pour la neige portant un canon de place de 12 du système Gribeauval.Ainsi, du 15 au 23 mai 1800, 40 000 hommes et une centaine de pièces d’artillerie franchissent le col du Grand Saint-Bernard sous le commandement du général Bonaparte. A cette date, l’armée française utilise les matériels du système d’artillerie développé par le général de Gribeauval à la suite de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Les pièces d’artillerie emportées par cette armée de secours sont des canons de campagne de 4, 8 et 12 livres, ainsi que des obusiers de 6 pouces.

Si les affûts de ces armes se démontent, les tubes en bronze sont plus difficiles à déplacer en raison de leur masse car ils pèsent respectivement 290 kg, 580 kg, 885 kg et 320 kg. Les tubes sont donc placés sur des traineaux puis tirés dans la neige par les soldats eux-mêmes. Les traineaux étant insuffisants en nombre, une partie des canons a été trainée dans des demi-troncs d’arbre évidés car, pour franchir les Alpes, les hommes, avec leurs armes et bagages, doivent emprunter des chemins non carrossables, escarpés et enneigés.

Dans le tableau de Charles Thévenin, Passage du Grand Saint-Bernard par l’armée française le 20 mai 1800, un détail illustre bien la fabrication de traineaux de fortune à partir de troncs d’arbre.

Cet épisode de l’épopée napoléonienne ne sauve pas Gênes, qui tombe le 4 juin 1800, mais permet de renverser la situation défavorable dans laquelle était l’armée française en Italie. A Montebello, le 9 juin, puis à Marengo, le 14 juin, Bonaparte remporte des victoires décisives faces aux Autrichiens. Le 9 février 1801, le Traité de Lunéville confirme l’hégémonie française sur le Nord de l’Italie.

L’influence de l’épisode du passage du col du Grand Saint-Bernard est palpable dans la réforme de l’artillerie pensée en 1802 et 1803 [1] et qui conduit à l’adoption de pièces d’artillerie de montagne. Cependant, en raison de l’évolution diplomatique et militaire générale en Europe, ces nouveaux matériels n’ont jamais été construits.

 

Christophe Pommier, département Artillerie

——————————————————-

[1] : Cette réforme est menée par un conseil extraordinaire composé des généraux d’Aboville – premier inspecteur général de l’artillerie – Lamartillière, Marmont, Andréossy, Éblé, Songis, Faultrier et Gassendi. Le système d’artillerie qui en résulte est baptisé « système de l’an XI ».

Crédits photos : © Château de Versailles (RMN-Grand Palais) photo Gérard Blot et © Musée de l’Armée (Dist. RMN-Grand Palais)