14 08 2013

Une traversée du Sahara : le fonds Nieger

Le musée de l’Armée s’est enrichi d’un ensemble provenant de la documentation personnelle du général Joseph Nieger (1874-1951) grâce à la générosité de ses descendants. Composé d’albums de photographies, de clichés stéréoscopiques sur plaques de verre, de pièces d’archives et de cartes, ce fonds reflète quarante ans d’une carrière militaire passée en grande partie en Afrique du Nord. Il est particulièrement riche sur la période 1900-1914, passée dans les régions désertiques du Sahara algérien.

Le général Nieger et un chef Ajjer

Nieger se rend pour la première fois à Alger en 1893. Nommé lieutenant en 1901, il est employé au service des Affaires Indigènes de l’Algérie, et affecté, à partir de 1902, au Touat, sous les ordres du commandant Laperrine (1860-1920).

Le nom du général Nieger est associé aux « compagnies des Oasis Sahariennes », structures militaires chargées de l’occupation et de la défense des oasis au Sahara. Les nombreuses photographies sur l’Afrique provenant du fonds évoquent les missions militaires et scientifiques effectuées dans des régions connues pour l’hostilité de leur climat, la rareté des ressources naturelles, et ayant pour but de reconnaître les itinéraires visant à développer les routes commerciales. L’intérêt que porte Nieger à la topographie et sa pratique de la langue arabe le conduisent ainsi à participer à plusieurs de ces missions entre 1904 et 1909. Ce fin connaisseur des tribus du désert livre un ensemble de photographies, qu’il a bien souvent prises lui-même, témoignant de la vie militaire au Sahara, et des luttes avec les cavaliers Touareg, également évoquées dans ses écrits. Sont aussi présentés des portraits, la vie quotidienne des villageois ou des nomades rencontrés au détour d’une mission et leurs activités, notamment agricoles et artisanales. Les paysages accidentés du Hoggar sont largement représentés dans le fonds.

Massif du Hoggar

De mars à novembre 1912, Nieger, alors capitaine, dirige une équipe d’une dizaine de membres chargée de « reconnaître le tracé d’un chemin de fer transsaharien entre In Salah et le Tchad et celui d’un embranchement du Hoggar à Beni Abbès » [1], de cartographier les régions traversées et de repérer les itinéraires possibles pour le passage du chemin de fer. Au total, la mission réalise le relevé de 17118 km [2].

Lors de la Première Guerre mondiale, Nieger prend le commandement du 44e régiment d’Infanterie, après un cours passage à l’armée d’Orient en 1915. Après l’armistice, il est affecté au détachement français de Palestine-Syrie. Il poursuit ensuite sa carrière au Maroc comme commandant de la région de Meknès. De retour en France en 1930, il est adjoint au gouverneur militaire de Lyon puis au commandant de la région de Paris qu’il remplace en 1934. Il quitte le service actif en 1936 et se consacre alors à la rédaction de publications destinées à des revues spécialisées et à des conférences portant sur ses diverses missions, notamment en Afrique, et sur ses deux amis sahariens : le général Laperrine et le père Charles de Foucauld (1858-1916), rencontré à Béni Abbès (Algérie) en 1903.

Le capitaine Nieger et le Père de Foucauld

De la photographie documentaire au quasi reportage de guerre, en passant par les souvenirs personnels et l’étude ethnographique, ce fonds présente le destin de cet intrépide « grand saharien » qu’était le général Nieger. Associées à ses écrits, les images permettent aussi de comprendre un aspect de l’histoire de la présence française au Sahara et de la « pacification » de ces régions au début du XXe siècle.

 

Laëtitia Desserrières, assistante, Cabinet des Estampes, Dessins et de la Photographie.

 

[1] André Berthelot, président de l’Union française pour la réalisation des chemins de fer transafricains.

[2] Mission du transafricain. Rapport du capitaine Nieger, chef de mission, accompagné des rapports des autres membres de la mission [Lieutenant Laibe, Lieutenant Hue, M. Dubuc, M. Chudeau, Capitaine Cortier], Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1924.

Crédits photos : © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Emilie Cambier