14 02 2019

1914-1918, Paris bombardée… par avions [1/3]

Les riches, et parfois insolites, collections du musée de l’Armée comprennent différents vestiges des bombardements qu’a subis la ville de Paris et son agglomération durant la Première Guerre mondiale. Le récolement décennal en cours a permis de (re)découvrir ces collections

Trois notes de blog vont les mettre en lumière. La première s’intéresse aux vestiges des bombardements aériens qui ont frappé la capitale lors de la Grande Guerre.


Bombardier allemand abattu, mars 1918 © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette

D’août 1914 à septembre 1918, 511 avions sont signalés dans le ciel francilien lors des 44 journées de bombardements recensées. Ils lâchent près d’un millier de projectiles, tuant 255 personnes et en blessant 593 autres.

Dès le 30 août 1914, un avion Taube lâche cinq bombes explosives et une oriflamme sur laquelle est inscrit « L’armée allemande est aux portes de Paris ; vous n’avez plus qu’à vous rendre » sur le 10e arrondissement. Cette première vague de bombardement – dix raids dont l’objectif est de saper le moral des Franciliens– se poursuit jusqu’au 12 octobre 1914, occasionnant la mort de dix personnes.

Les défenses contre aéronefs (avions, zeppelins…) se multiplient (canons, mitrailleuses, projecteurs…) dans le camp retranché de Paris pour empêcher ces attaques, contribuant peut-être au calme relatif des années 1915, 1916 et 1917 : cinq raids frappent la capitale, deux de zeppelins, trois de Taube (11 et 22 mai 1915, 27 juillet 1917), ces derniers ne faisant aucune victime.

Fin 1917, la victoire de l’armée allemande sur le front est lui permet de porter tout son effort à l’ouest pour le début de l’année 1918. Cette situation s’accompagne de nombreux raids aériens sur Paris, complétés à partir de la fin mars par l’action d’une artillerie à très longue distance.

L’armée allemande dispose alors d’appareils spécialement conçus pour le bombardement à longue distance : AEG G, Gotha G ou encore Friedrichshafen G. Ces bombardiers remplacent les zeppelins, devenus trop vulnérables face à l’aviation de chasse et aux défenses situées au sol. Si les premiers modèles peuvent emporter 140 kg de bombes, les suivants – aux capacités améliorées – emportent 300 à 500 kg de bombes. Les raids des 30-31 janvier et des 11-12 mars 1918 sont les plus meurtriers. Le premier compte trente avions qui lâchent 273 bombes – principalement de 10 et de 50 kg, mais deux  bombes de 300 kg ont été retrouvées – et provoque la mort de 61 personnes et en blessent 198 autres. Le second est encore plus meurtrier car après avoir lâché leurs bombes, les avions reviennent mitrailler les secours. En outre, des habitants du quartier meurent étouffés en voulant se réfugier dans la station de métro Bolivar dont la grille était fermée. Le bilan est de 103 morts et 101 blessés.

Des mesures sont prises par les autorités. La DCA est renforcée (seize appareils sont abattus entre 1914 et 1918), des barrages de ballons statiques sont mis en place et des répliques lumineuses de Paris sont réalisés dans les alentours de Gonesse, Maisons-Laffitte et Chelles pour tromper les aviateurs allemands.

Paris n’est pas la seule ville cible des bombardements allemands : en France, Dunkerque et Calais sont des cibles régulières, tandis qu’à l’étranger Londres subi 27 raids (juin 1917-mai 1918) et déplore 835 tués et 1 990 blessés.


Mitrailleuse LMG 14 « Parabellum » © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Émilie Cambier

Le 11 mars 1918, la Bombengeschwader der Obersten Heeresleitung Nr.1 (escadrille de bombardiers du commandement suprême de l’armée de Terre n° 1) reçoit l’ordre de bombarder Paris pour venger un raid britannique effectué la veille sur Stuttgart. Le bombardier AEG G IV n° G.1104/16 participe à ce raid : il survole Paris et lâche ses bombes sur le quartier industriel de la gare du Nord. En quittant Paris, le bombardier est touché par les DCA et s’écrase au sol près de Clamecy (Aisne). Cette mitrailleuse LMG 14 « Parabellum », qui armait le bombardier, a été récupérée par les hommes du parc aéronautique de Clamecy et envoyée aux Invalides, pour y être exposée, dès le 15 mars 1918.


Bombe explosive allemande de type P.U.W. de 50 kg (à gauche sur la photo) © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette

Cette bombe explosive P.U.W. (Prüfanstal und Werf : établissements d’essais et de construction de l’air) de 50 kg a été lâchée sur Paris durant l’un des dix-neuf raids aériens entre le 30 janvier et le 7 juin 1918. Son mécanisme n’ayant pas fonctionné, elle a été récupérée par le laboratoire municipal de la Ville de Paris (où un service des explosifs est chargé de neutraliser et détruire les engins dangereux) qui, après l’avoir neutralisée, en a ensuite fait don au musée de l’Armée le 9 juin 1918.


Cinq éclats de bombes d’avion larguées sur Paris et Chartres en 1914 © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

Ces cinq éclats de bombe ont été donnés au musée le 10 juin 1981 par Pierre Laurent, âgé de 8-9 ans en 1914 et qui accompagnait parfois son père – ouvrier dans une entreprise de protection des bâtiments – sur des chantiers où il a ramassé ces éclats. Les dimensions extrêmement réduites de ces éclats ne permettent pas d’identifier le type de projectile et nous devons nous contenter des – maigres – informations du donateur : « éclats de bombes d’avion larguées sur Paris en 1914 ».


Deux éclats de bombe d’avion de type APK de 4,5 kg © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

L’historique de ces deux éclats de bombe d’avion de 12 cm de type APK de 4,5 kg est malheureusement inconnu. Ce modèle de bombe est le plus petit de la série de projectiles mis au point avant-guerre par l’APK (pour Artillerie Profungskommission, soit la commission des épreuves de l’artillerie) pour les zeppelins et comprenant cinq calibres : 4,5, 8, 50, 60 et 100 kg. Cependant, le modèle de 4,5 kg a été distribué aux avions ; il est donc possible qu’il fasse partie des nombreux projectiles largués sur Paris lors de la Grande Guerre.

Christophe Pommier, département Artillerie

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Pour en savoir plus :

  • Jordan GASPIN, Souvenirs et destins de Poilus, Paris, Éditions Ouest-France, p. 98-99.
  • Jules POIRIER, Les bombardements de Paris (1914-1918). Avions, Gothas, Zeppelins, Berthas, Paris, Payot, 1930.