21 02 2019

1914-1918, Paris bombardée… par les zeppelins [2/3]

Les riches, et parfois insolites, collections du musée de l’Armée comprennent différents vestiges des bombardements qu’a subis la ville de Paris et son agglomération durant la Première Guerre mondiale. Le récolement décennal en cours a permis de (re)découvrir ces collections.

Ce deuxième article s’intéresse aux vestiges des bombardements de Paris par les zeppelins. Relisez également le premier épisode.

Raymond Poincaré, président de la République, visite les dégâts occasionnés par une bombe de zeppelin au 87 de la rue Haxo (Paris), le 29 janvier 1916 © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette

Conçu par le comte allemand Ferdinand von Zeppelin (1838-1917), le zeppelin est un ballon dirigeable à structure rigide dont le premier vol a lieu le 2 juillet 1900. Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, les armées allemandes possèdent quinze zeppelins, dont neuf de très grande taille (plus de 20 000 m3), qu’elle destine à des missions d’observation ou de bombardement. Au même moment, en France, dix-sept dirigeables militaires (de 3 à 9000 m3) sont en service grâce aux travaux du colonel Renard (1847-1905) et du centre aérostatique militaire de Chalais-Meudon. En 1914, comparativement aux avions, les zeppelins sont presque aussi rapides, sont mieux armés, ont un emport de bombes bien plus important et un rayon d’action supérieur.

La zone de bombardement de prédilection des zeppelins a été le Royaume-Uni : 51 raids ont été menés – essentiellement dans un objectif psychologique – tuant 577 personnes et en blessant 1 358 autres. Des trois types de vecteurs qui ont permis de bombarder Paris (avions, artillerie et zeppelins), ces derniers ont été – et de loin – les moins employés. En effet, seuls deux raids sont menés. Le premier, par quatre zeppelins, a lieu dans la nuit du 20 au 21 mars 1915. Sept bombes sont lâchées sur les 17e et 18e arrondissements de Paris, puis, pris à partie par la DCA, les zeppelins rebroussent chemin en se délestant de 58 bombes sur la banlieue (Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret, Asnières-sur-Seine, Gennevilliers, Courbevoie, La Garenne-Colombes, Saint-Gratien, Colombes, Bois-Colombes, Enghien, Argenteuil et Saint-Germain-en-Laye), blessant trois personnes. Lors du second raid, dans la nuit du 29 au 30 janvier 1916, un zeppelin (le second zeppelin initialement prévu a dû rebrousser chemin avant d’atteindre l’Île-de-France) lâche dix-huit bombes sur le 20e arrondissement de Paris, tuant 23 personnes et en blessant 31 autres. Lors de son retour, il se déleste de 30 bombes au-dessus des communes de La Courneuve, Stains, Pierrefitte, Villetaneuse, Deuil et Montmorency, sans grands dégâts.

Les propagandes française et allemande exploitent différemment ces raids : « Le raid des zeppelins sur Paris a complètement échoué. La population parisienne a été, comme toujours, parfaitement calme. » s’opposant à « [L’]attaque contre le centre des fabrications de guerre française s’était terminée par un succès. »

Par la suite, l’amélioration des défenses contre aéronefs du camp retranché de Paris, l’augmentation des escadrilles de chasse et l’éloignement de Paris par rapport aux bases allemandes font qu’aucun autre raid de zeppelins n’est mené au-dessus de la capitale.

Bombe tronconique incendiaire pour zeppelin © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Émilie Cambier

Cette bombe incendiaire tronconique de 8 kg pour zeppelins, en partie consumée, a été lâchée par l’un des quatre zeppelins du raid du 20-21 mars 1915. Elle a frappé, avec une seconde bombe qui a entièrement fonctionné, le pavillon situé au n°11 de la rue Amélie, à Asnières-sur-Seine. Conçues et fabriquées par la firme Carbonit A. G., ces bombes sont constituées d’une cuvette de tôle emboutie recouverte d’un cordage de chanvre goudronné. À l’intérieur se trouvaient de l’étoupe imprégnée de bitume – hautement inflammable – et un compartiment en tôle cylindro-conique contenant une composition aluminothermique dont la mise à feu est assurée par une fusée à inertie. Après expertise, cette bombe a été cédée au Musée par le laboratoire municipal de la Ville de Paris le 15 avril 1915.

Fragments d’une bombe de zeppelin © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

Ces deux fragments sont ceux d’une bombe explosive sphérique de 60 kg, lâchée par l’un des quatre zeppelins du raid du 20-21 mars 1915. Ils ont été trouvés à Asnières-sur-Seine, au niveau du n° 24 de la rue du Ménil, où la bombe a explosé, causant une profonde excavation sur la chaussée. Ces éclats ont été cédés au Musée par le laboratoire municipal de la Ville de Paris, après étude, le 15 avril 1915.

Bombe sphérique explosive de 60 kg du zeppelin LZ 79 © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Émilie Cambier

Cette bombe sphérique en fonte de 60 kg a été larguée par le zeppelin LZ 79 lors du raid mené sur Paris le 29 janvier 1916. Parmi les 48 bombes lâchées, trois de ce type n’éclatent pas et sont récupérées par André Kling, directeur du laboratoire municipal de la Ville de Paris. Dès le 31 janvier, Kling écrit au directeur du musée de l’Armée pour l’informer qu’« ayant eu la bonne fortune de retrouver quelques bombes de zeppelin non éclatées, et provenant du raid de samedi dernier [le 29 janvier], j’aurai le plaisir, dès que j’aurai pu les faire vider et mettre en état, de vous en faire envoyer un exemplaire pour le musée de l’Armée. » Il tient parole et fait don de l’une d’entre elles le 11 février suivant.

Débris du zeppelin n° 8 abattu le 22 août 1914 à Badonvilliers, exposé aux Invalides © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / image musée de l’Armée

Seules subsistent des photographies des débris du zeppelin LZ 8, abattu par l’artillerie française à Badonviller (Meurthe-et-Moselle) le 22 août 1914, exposés dans la cour d’honneur des Invalides à partir de février 1915. Les débris – une nacelle, deux fragments de passerelle de l’observateur, deux longerons de la carcasse, un longeron inférieur de support de nacelle, un pot d’échappement, une commande d’hélice et une hélice à quatre pales – ont été cédés par l’établissement de Chalais-Meudon, après étude, le 17 février 1916. Réformés le 11 mai 1924, vraisemblablement pour destruction, ils ne figurent plus dans les collections du musée de l’Armée.

Christophe Pommier, département Artillerie

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Pour en savoir plus :

  • Jordan GASPIN, Souvenirs et destins de Poilus, Paris, Éditions Ouest-France, p. 98-99.
  • Jules POIRIER, Les bombardements de Paris (1914-1918). Avions, Gothas, Zeppelins, Berthas, Paris, Payot, 1930.