16 10 2013

Une chronique de France : la mort de saint Louis.

Évocation d’un des épisodes de la vie du roi Louis IX, le tableau de Georges Rouget (1783-1869), La mort de saint Louis devant Tunis, le 25 août 1270, a retrouvé sa place sur une des cimaises de la cathédrale Saint-Louis des Invalides. Décroché pendant quelques mois afin de surveiller son état de conservation, le tableau a ainsi regagné l’église des soldats depuis cet été. Dans cette œuvre monumentale, le peintre propose une vision picturale qui cultive le pittoresque médiéval.

Rouget Mort de Saint Louis

La mort du roi chevalier
Rouget peint la mort du roi Louis IX, survenue le 25 août 1270, lors du siège de Tunis au cours duquel le monarque est atteint de dysenterie. Pour évoquer cet épisode de la huitième croisade, le peintre se concentre plus particulièrement sur l’arrivée du frère du roi, Charles d’Anjou (1227-1285), qui, venu prêter main forte aux armées royales, se recueille au chevet du défunt entouré d’une foule affligée. Le roi de Sicile, en armure, vient de pénétrer sous la tente de Louis IX, allongé sur son lit, blême, venant d’expirer. Philippe, le fils aîné du roi, est agenouillé près du lit, vêtu de sa robe fleurdelisée.
L’œuvre est probablement une réplique légèrement réduite de la toile conservée au château de Versailles [1], tableau commandé en 1816 par la Maison du Roi, et exposé au Salon de 1817. La version originelle obtient un succès assez important pour servir de modèle à une tapisserie de la Manufacture des Gobelins. La présentation du tableau est accompagnée, dans le livret du Salon [2], d’un passage de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, de François-René de Chateaubriand (1768-1848), publié en 1811, et qui a inspiré la composition du peintre :

« Philippe, fils aîné, successeur de Saint-Louis, ne quittait point son père qu’il voyait près de descendre au tombeau. Le lundi matin, 25 août, sentant que son heure approchait, Saint-Louis se fit coucher sur un lit de cendre où il demeura étendu les bras croisés sur la poitrine, tenant la croix. […] On entend alors retentir la trompette des croisés de Sicile. Charles d’Anjou commença à craindre quelque malheur, il vole à la tente du roi son frère, il le trouve expié, il se jette sur ses reliques sacrées, les arrose de ses larmes, baise avec respect les pieds du saint, et donne des marques de tendresse et de regrets […]. »

L’artiste donne à cette scène un aspect dramatique, accentué par les sources lumineuses concentrées sur le visage du roi, rejetant les autres personnages dans une semi-pénombre, ainsi que par l’exécution minutieuse de certains détails.

Dans l’atelier de David, l’apprentissage de la peinture d’histoire
Marie-Georges-Louis Rouget est l’élève du peintre Jacques-Louis David (1748-1825). Il collabore avec le maître à la réalisation du Sacre de l’Empereur Napoléon le 2 décembre 1804 [3]. Au moment du départ de David en exil à Bruxelles, en 1816, le peintre prend son indépendance tout en poursuivant dans la veine de la grande peinture d’histoire. Sous la Restauration, il reçoit la commande de cartons pour la tenture des « Scènes historiques de l’histoire de France », destinée à la salle du Trône des Tuileries. En 1838, un héritage le rend financièrement indépendant, et lui permet de se consacrer à des projets plus personnels.Rouget Grand-Saint-Bernard En 1840, Louis-Philippe commande à Georges Rouget une copie du célèbre tableau de David, Bonaparte franchisant les Alpes au Grand-Saint-Bernard, destinée à l’Hôtel des Invalides [4] afin de remplacer l’œuvre originale transférée à Versailles en 1816. Il réalise de nombreux portraits tout au long de sa carrière jusqu’à son décès en 1867.

« L’invention du passé »
Rouget s’inscrit dans la mouvance du renouveau de la peinture d’histoire, incarné notamment par le peintre David. Sous la Restauration, les artistes se tournent vers des sujets inspirés de l’époque médiévale, afin de réhabiliter l’image des rois récemment revenus sur le trône, qui désirent s’intégrer au passé illustre de la France. Les épisodes de la vie des souverains, comme Louis IX, sont l’objet de nombreuses interprétations picturales à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Ces connotations contemporaines données à la peinture historique trouvent une parfaite illustration dans le projet de Musée de l’Histoire de France, installé par Louis-Philippe au château de Versailles à partir de 1833. A cette occasion, plusieurs tableaux de Rouget sont présentés dans les salles dites historiques, et l’artiste reçoit également la commande de deux toiles majeures : Mariage religieux de Napoléon avec Marie Louise dans le Salon carré du Louvre, 2 avril 1810 et Napoléon reçoit le Sénatus-consulte qui le proclame empereur des Français, à Saint-Cloud, le 18 mai 1804 [5].

 

Hélène Reuzé et Laëtitia Desserrières, assistantes au département Iconographie.

[1] Paris, musée de l’Armée, inv. 2010.0.2310 ; Ea 0014/2, huile sur toile, H. 2,250 m ; L. 1,8 m. Réplique mentionnée dans une lettre de l’artiste au comte de Pradel, le 25 mai 1828 (archives nationales, O3 1412), citée par Pougetoux Alain, Georges Rouget, 1783-1869, cat. exp, Paris, Musée de la Vie romantique, 12 septembre-17 décembre 1995, Paris, Paris musées, 1995.

[2] Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture et gravure, des artistes vivans, exposés au Musée Royal des Arts, le 24 avril 1817, Paris, Imprimerie de madame Hérissant Le Doux, 1817, n° 673.

[3] Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon ; inv. MV 7156.

[4] Paris, musée de l’Armée, inv. 5389 bis-6 ; Ea 87.

[5] Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon ; inv. MV 1503 et MV 1565.

(c) Paris – musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Tony Querrec et Emilie Cambier