30 09 2014

Le dynamomètre de Régnier

Le récolement décennal bat son plein au musée de l’Armée. Lors du premier semestre 2014, l’une des campagnes portait sur la collection d’instruments de mesures et de vérification, l’occasion ici de (re)découvrir un objet marquant de l’histoire des sciences : le dynamomètre de Régnier.

Dynamomètre de Régnier, avec l'ensemble de ses composants : dynamomètre à cadran, mousquetons, crochet et pied à crémaillère.

Un dynamomètre est un appareil servant à mesurer la force. Celui-ci a été conçu par Edmé Régnier (1751, Semur-en-Auxois – 1826, Paris) spécialement dans le but de mesurer la force musculaire, humaine ou animale.
Le dynamomètre conservé par le musée de l’Armée [1] se compose d’un ressort elliptique en acier trempé solidaire d’un cadran en laiton. Ce dernier comporte deux graduations (Échelle des tirages et Échelle des pressions), ainsi que deux aiguilles. Le dynamomètre possède trois échelles de lecture : myriagramme [2], livre et kilogramme. Le coffret comprend également deux mousquetons en acier permettent de relier le dynamomètre aux points d’ancrage, un crochet en bois et en acier, et un pied à crémaillère en acier.

Dynamomètre dans son coffret de rangement.

Ce dynamomètre est capable de mesurer la force par compression ou par étirement du ressort. Quand ce dernier revient à sa position initiale, la première aiguille se remet à zéro tandis que la seconde, indépendante du mécanisme, reste dans la position extrémale occupée, ce qui permet de lire le résultat après l’emploi. Cet instrument rencontre l’intérêt du comité d’Artillerie – qui employait Régnier – qui l’utilise pour mesurer l’inertie des affûts dans diverses situations et pour tester les améliorations proposées [3].

Outre ces utilisations, le dynamomètre de Régnier connait un large succès, sur les marchés, permettant d’éprouver la valeur des bêtes, il est vite devenu un instrument de foire où les hommes pouvaient mesurer leur force.

En 1768, Edmé Régnier reprend les métiers de serrurier et d’arquebusier de son père, décédé, ainsi que son atelier. Son travail sur la conception et l’amélioration d’arquebuses l’amène à s’intéresser aux sciences physiques. Présenté à Buffon par Guéneau de Montbeillard, Régnier conçoit divers instruments pour les expériences scientifiques des deux hommes. C’est à la demande de Buffon que Régnier met au point ce dynamomètre.
En outre, Edmé Régnier est un personnage important de l’histoire du musée de l’Armée. En 1793, installé à Paris, il devient administrateur de la Commission des armes portatives et est à ce titre chargé de recenser et réquisitionner toutes les armes pouvant servir à défendre « la patrie en danger ». Son goût pour l’armurerie l’amène à sauver de la destruction de nombreuses armes hors d’usage d’un point de vue militaire, mais ayant un intérêt technique, historique ou esthétique. Cet ensemble est l’un des fonds constituant le musée d’Artillerie – ancêtre du musée de l’Armée – dont Edmé Régnier est le premier conservateur jusqu’en 1816. Edmé Régnier ne stoppe pas pour autant ses activités scientifiques, on lui doit ainsi l’invention du sécateur, de la grande échelle, d’un cadenas à combinaison, de diverses éprouvettes ou encore d’un blémomètre et d’un reumamètre.
Christophe Pommier, département Artillerie

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[1] : Présent dans les collections du musée depuis 1826, ce dynamomètre est réalisé par Arnheiter et Petit, deux apprentis formés par Edmé Régnier qui reprennent l’atelier de leur maître en 1825. N° inv. 2014.0.531 ; cote P 65.

[2] : Myria est un préfixe métrique signifiant dix mille fois l’unité désignée. Adopté en 1795, il est abandonné en 1960.

[3] : Les résultats de plusieurs expériences sont relatés dans « Description et usage du dynamomètre », Journal de l’École Polytechnique, t. 2, 5e cahier, Prairial an VI (1797), p. 160-178.