19 12 2019

Le mystérieux tableau retrouve son identité

Un tableau du musée de l’Armée présenté dans l’exposition temporaire Les Canons de l’élégance retrouve une identité grâce à sa restauration.

Lors de la préparation d’une exposition temporaire au musée de l’Armée, il arrive fréquemment que les commissaires exhument des réserves des « trésors » qui ne sont habituellement pas présentés au public. Pour Les Canons de l’élégance, l’équipe du commissariat a redécouvert et voulu exposer un tableau représentant un officier de la Garde nationale. Ce dernier présentait de réelles qualités stylistiques mais ne pouvait être présenté au public sans avoir été restauré.

L’œuvre avant restauration

Cette opération a été confiée à Elodie Delaruelle, restauratrice du patrimoine, qui a commencé par un examen soigneux de l’oeuvre. Cette étude a révélé que cette dernière avait été, à une époque, roulée ou pliée, ce qui avait entraîné plusieurs dégradations de son support et sa couche picturale. Le tableau avait en conséquence subi des interventions de restaurations anciennes, dont notamment plusieurs repeints discordants et débordants qui nécessitaient un nettoyage poussé de la toile, afin de rendre à la couche picturale son aspect originel et son unité esthétique.

Ce traitement a permis de mettre au jour une signature partielle alors que l’œuvre était considérée jusqu’à maintenant comme anonyme. Quelques lettres se devinent maintenant sur la toile : H. Frade… Une recherche dans le Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs nous a mis sur la piste d’un certain Henri Jean-Baptiste Victoire Fradelle.

La signature partielle se dévoile

Cet artiste est né à Lille en 1778. Il a été l’élève de Joseph-Benoit Suée aux Beaux-arts de Paris avant de partir  en Angleterre en 1808. Il a exercé en Grande-Bretagne une grande partie de sa vie et plusieurs de ses œuvres sont aujourd’hui visibles dans des institutions publiques du pays comme la Royal Shakespeare Company Collection et la Petworth House. Même s’il a passé la majorité de sa carrière à l’étranger, il a été actif à Paris entre 1830 et 1837.

La vérification systématique des catalogues des Salons de peinture de cette période a révélé que Fradelle a peint en 1831 une œuvre intitulée Portrait de M.L., Capitaine de la Garde nationale à cheval. Le thème de cette toile étant totalement cohérent avec la représentation de notre officier anonyme, il existe de fortes chances pour que celui-ci soit le fameux capitaine M.L.

L’œuvre après restauration

La consultation en ligne des archives de l’Institut National de l’Histoire de l’Art a conforté la validité de cette hypothèse. La correspondance manuscrite de Fradelle conservée au sein de cette institution, a permis la comparaison de sa signature avec celle du tableau du musée de l’Armée. La similitude des deux écritures indique une nouvelle fois que le tableau est bien de la main du peintre.

Les expositions temporaires sont non seulement l’occasion pour le musée de l’Armée de présenter au public des œuvres parfois méconnues de ses collections mais également de faire avancer la recherche sur ces dernières. L’exposition Les Canons de l’élégance a permis de retrouver l’auteur de la toile, il nous reste aujourd’hui à découvrir l’identité de l’officier présent dans le tableau, le mystérieux capitaine M. L.

Hélène Boudou-Reuzé
Chargée d’études documentaires
Département des peintures, sculptures, dessins, estampes et photographies


Bibliographie :

– Benezit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays par un groupe d’écrivains spécialistes français et étrangers, Volume 5, Paris Gründ Editions, 1976.
– François Grosjean, Fradelle : The artist who was given his son’s name, Art of England. 51: 14–15, 2008
– P. Sanchez et X. Seydoux, Les catalogues des salons II (1819-1834), Paris 1999, p 231
– Bibliothèque numérique de l’INHA, Autographe carton 13 Fer-Gai, https://bibliotheque-numerique.inha.fr