Engagée pendant plus de dix ans en Afghanistan dans le cadre de la FIAS, l’armée française y déplore la mort de 89 soldats et la blessure d’environ 700 autres. Pour mieux montrer la guerre, le photographe Philippe de Poulpiquet s’est attaché à en montrer les conséquences au travers de portraits de soldats blessés ou de familles en deuil.
Sous son objectif, la lutte pour la reconstruction des corps et des âmes succède à la lutte armée dans un travail de mémoire inédit en France. Photographe, journaliste, Philippe de Poulpiquet s’est interrogé sur la question de l’engagement en cherchant notamment à comprendre ce « qui pousse un homme à se battre si loin de sa famille, si loin de la France, à frôler la mort [1] ». Loin des images idéalisant la guerre, il cherche avant tout à en livrer l’essence en portant son regard sur les ravages qu’elle occasionne sur le corps et l’esprit de ceux qui la font et de leurs proches. C’est en France que Philippe de Poulpiquet a choisi de photographier la mort, auprès des familles lors des obsèques de combattants français, mais aussi la douleur en suivant les blessés dans leur lent travail de guérison.
De ce reportage au long cours, le musée de l’Armée a acquis 63 tirages [2] racontant 6 histoires personnelles sur la guerre en Afghanistan qui sont autant de batailles personnelles contre la blessure : Kévin, légionnaire de 25 ans, grièvement blessé d’une balle en pleine tête lors d’un accrochage en Kapisa en 2010, laissé pour mort, désormais double hémiplégique, parle à nouveau ; Jocelyn et Thomas, qui ont tous deux perdu une jambe à cause d’une mine, se reconstruisent par le sport ; Raphaël, polytraumatisé à la suite d’un attentat suicide contre son convoi, a du se résoudre à l’amputation après des mois de combat ; la famille de Thibault, tué par une roquette un soir d’octobre 2010, tente de faire le deuil d’un mari et d’un père ; Xavier, rongé par le syndrome de stress post-traumatique lutte pour se reconstruire une vie normale. Parce qu’il a pris le temps de partager leur quotidien et comprendre leurs souffrances, Philippe de Poulpiquet a pu saisir avec pudeur leurs émotions et les figer pour témoigner. Ses photographies posent également la question de la représentation des blessés et des tués au combat et de leur place dans l’espace public.
Pour le musée de l’Armée, appréhender les conflits c’est aussi collecter les traces de leurs conséquences au travers d’objets provenant du champ de bataille ou de représentations rappelant que les premières victimes de la guerre sont bien souvent les soldats qui la font. A travers cette succession de portraits, Philippe de Poulpiquet y contribue de façon magistrale.
Anthony Petiteau
Responsable des collections de photographies
[1] Philippe de Poulpiquet, Pour la France, Grrr… art éditions, 2013, p. 9.
[2] Inv. 2013.33. 63 tirages « lambda » sur papier baryté, d’après fichier numérique natif, H. 0,40 ; L. 0,50 m.
Crédits photos : © Philippe de Poulpiquet / Paris, musée de l’Armée