Le musée de l’Armée conserve un ensemble de modèles d’artillerie offert par le tsar Alexandre II à l’empereur Napoléon III. A l’occasion de l’ouverture prochaine (décembre 2015) des Cabinets insolites, où une salle sera dédiée aux modèles d’artillerie, de récentes recherches ont permis de mieux connaître ce présent diplomatique.
En 1854, le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à la Russie afin de s’opposer à ses ambitions sur l’Empire ottoman. Les alliés décident d’opérer principalement en Crimée. Après leur victoire sur l’Alma le 20 septembre 1854, Français et Britanniques espèrent une reddition rapide des Russes, mais ceux-ci décident de se retrancher dans le port de Sébastopol. Commence alors un siège qui dure près d’un an, pendant lequel les alliés doivent subir, en plus des contre-attaques russes, des conditions météorologiques difficiles et de nombreuses épidémies.
Le 11 septembre 1855, trois jours après la prise de la position de Malakoff – élément-clef du dispositif de défense de la ville de Sébastopol – par les troupes françaises, les Russes se rendent. La chute de Sébastopol, conjuguée à l’entrée en guerre de l’Autriche aux côtés des alliés, amène le tsar à accepter les négociations de paix qui lui sont proposées.
Lors du traité de Paris, qui s’ouvre le 25 février 1856 pour régler le conflit, l’Empire russe est représenté par deux diplomates, le comte Alexeï Orlov, envoyé spécial du tsar en France, et Philipp von Brunnow, ambassadeur de Russie auprès de la Confédération germanique.
Signé à Paris par l’ensemble des plénipotentiaires le 30 mars 1856, le traité souligne l’intégrité de l’Empire ottoman et affirme la neutralité de la Mer Noire et des détroits du Bosphore et des Dardanelles. En raison de l’implication française dans la guerre de Crimée, le traité de Paris fait apparaître la France comme l’arbitre de l’Europe.
Lors de son séjour parisien, le comte Orlov offre à Napoléon III, de la part du tsar Alexandre II, deux modèles d’artillerie russe : une voiture-pièce de canon de campagne de 12 livres modèle 1850 et un caisson à munitions de campagne modèle 1845.
Il s’agit de deux modèles réduits à l’échelle 1/6e de matériels en service dans les armées russes. Réalisés en 1854 par les élèves de l’école technique d’Artillerie de Saint-Pétersbourg, ils sont conformes en tous points – matériaux et proportions – à ceux utilisés. Le caisson de l’avant-train et le caisson à munitions sont garnis de petits boulets encartouchés [1], ce qui est assez exceptionnel et démontre l’attention portée à la réalisation de ces modèles.
Le 9 juillet 1856, Napoléon III fait don de ces deux modèles au musée d’Artillerie, ancêtre du musée de l’Armée.
Christophe Pommier, département Artillerie
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[1] : Le boulet encartouché se compose d’un sachet en toile rempli de poudre noire, d’un sabot en bois et d’un boulet en fonte de fer. Cela forme un coup complet que l’artilleur place dans le canon, réduisant ainsi le temps de chargement de la pièce. Dans ces modèles, la poudre noire est matérialisée par de la sciure de bois.