Parmi les différents ornements de laiton qui composent la tenue et l’équipement du militaire, la plaque de giberne est un élément important permettant d’identifier l’arme du soldat. Celle-ci se fixe sur la giberne, qui est la sacoche en cuir contenant les cartouches et le nécessaire d’entretien pour l’armement. La Garde Nationale, milice citoyenne française créée en 1789 pour le maintien de l’ordre et de la sécurité intérieure, se distingue ainsi de l’armée grâce au décor spécifique de cette plaque épinglée sur la pattelette, le rabat utilisé pour fermer la giberne.
Une iconographie nouvelle apparaît progressivement à partir de la Révolution française sur les plaques de cuivre jaune, notamment sur celles de ceinturons, de bonnets et de gibernes. De 1789 à 1792, de la période révolutionnaire à la proclamation de la République, en passant par la Monarchie constitutionnelle, les marques de la royauté encore présentes sur ces ornements laissent peu à peu la place à une symbolique révolutionnaire. Les fleurs de lys et les couronnes royales sont supplantées par des symboles de liberté, d’union et de civisme comme le bonnet phrygien, le faisceau de licteur ou encore la couronne civique.
La plaque de giberne de la Garde Nationale parisienne est un exemple de ces productions réalisées entre 1789 et 1792. Sur cette plaque aux armoiries de la capitale, une nef surmontée de fleurs de lys, la devise « la nation, le roy, la loy », adoptée officiellement en janvier 1791, apparaît dans le phylactère en partie supérieure. Cependant la dégradation, portée volontairement sur le mot « roy » [cliquer sur la photo pour voir le détail] afin de faire disparaître cette mention, exprime très clairement une atteinte au pouvoir royal. Cet acte de vandalisme nous indique alors que cette plaque est sûrement toujours utilisée après la proclamation de la République et que les symboles royaux sont effacés délibérément. En effet, cette formule disparaît après 1792 pour être remplacée par : « La nation, la loi, liberté ».
La nouvelle devise est visible dans cette seconde plaque de giberne de la Garde Nationale, typique de la fin de l’année 1792, illustrant ainsi ce changement progressif de décor. La plaque est ainsi partagée entre, d’une part, les attributs royaux sur la gauche, fleurs de lys et couronne royale, et d’autre part, les symboles révolutionnaires sur la droite, le faisceau de licteur et la couronne civique avec l’inscription « la nation fait notre force ». Ce renouvellement de l’iconographie s’opère jusqu’au Consulat puis ces exaltations révolutionnaires disparaîtront. Ces deux plaques sont donc représentatives d’une période transitoire : celle de la chute de la royauté vers la proclamation de la République.
Magali Fontan
Département Experts et Inventaire