Les œuvres du Musée de l’armée sont très souvent demandées pour des expositions temporaires. Avant que l’accord de prêt ne soit définitivement validé, les responsables des collections et les emprunteurs échangent à plusieurs reprises afin de déterminer quels objets seraient les plus à même d’illustrer le propos du projet. Ces rencontres sont parfois l’occasion de découvrir des histoires étonnantes, comme par exemple l’origine du mystérieux panorama de Philippoteaux de la Fondation Teloglion de l’Université Aristote de Thessalonique.
Il y a quelques mois, le département Iconographie a été approché par des représentants de la Fondation Teloglion qui souhaitaient emprunter des œuvres relatives à la guerre franco-allemande de 1870-1871, et plus précisément au Siège de Paris, cet épisode étant illustré par un panorama réalisé par Henri Félix Emmanuel Philippoteaux (1815-1884) conservé dans leur collection et qui devait être la pièce maîtresse de leur exposition.
Cet artiste, spécialiste de l’histoire militaire, réalisa avec son fils Paul Philippoteaux (1846-1923) trois versions de ce panorama. La première a été exposée dans la rotonde des Champs Elysées entre 1872 et 1890. Le musée de l’Armée conserve dans ses collections deux esquisses de ce panorama. La deuxième version a voyagé aux Etats-Unis à partir de 1882 et la troisième aurait été perdue quelque part en Europe. L’un de ces exemplaires a été amené en Grèce en 1896 à l’occasion des jeux olympiques, peut-être à l’initiative de Pierre de Coubertin[1]. Ce tableau a été exposé dans un pavillon situé juste devant le stade Panathénaïque d’Athènes, érigé à l’initiative de Nikolaos Thon (1850-1906), membre du comité d’organisation des jeux olympique de 1906 et directeur du théâtre royal, pendant une quinzaine d’année, et ce, malgré la volonté de la famille royale grecque de faire détruire le bâtiment car il cachait la vue sur le stade. L’œuvre a été démontée et a connu de multiples vicissitudes. Oubliée dans une réserve, faisant office de toiture pour un atelier de cordonnerie militaire, elle est redécouverte dans les années soixante par un marchand qui la restaure et la vend trente ans plus tard à la famille Teloglion.
Cette histoire témoigne du destin parfois rocambolesque qu’ont connu certaines œuvres d’art aujourd’hui conservées dans les musées du monde entier. Hier laissée à l’abandon, cette œuvre est présentée au public à l’occasion de l’exposition Philippoteaux crée le Panorama du Siège de Paris (18 octobre 2016 – 31 janvier 2017), à la Fondation Teloglion de l’Université Aristote de Thessalonique. Le Musée de l’armée participe activement à ce projet avec le prêt d’une des deux esquisses de Philippoteaux représentant le Siège de Paris, plusieurs tableaux d’Etienne-Prosper Berne-Bellecour (1838-1910) et de Paul-Louis-Narcisse Grolleron (1848-1901) ainsi que des assiettes décorées de Jules Draner (1833-1926). Ce projet est une belle occasion d’en savoir plus sur le Siège de Paris et sera un parfait avant-goût de la grande exposition France-Allemagne(s) : 1870-1871 : La guerre, la Commune, les mémoires qui se déroulera au musée de l’Armée du 12 avril au 30 juillet 2017.
Hélène Boudou-Reuzé
Assistante de conservation au Cabinet des dessins, des estampes et de la photographie
[1] Voir l’article de Christine Tsagkalia dans le catalogue de l’exposition de Thessalonique : « Les Philippoteaux et le « Panorama du Siège de Paris » : un Panorama français en Grèce », p. 17-24. Coubertin aurait évoqué dans les journaux de l’époque la nécessité d’exposer de l’art français en Grèce, mais cette hypothèse n’a pas été confirmée.
Fig. 1. Henri Félix Emmanuel Philippoteaux, Vue des fortifications de Paris pendant le siège, 1872, huile sur toile, H. 0,850 ; L. 1,182 m. Inv. 04949 ; Eb 394. Photo (C) Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais
Fig. 2. Jules Renard, dit Draner (1833-1926), Assiette décorée d’une scène du Siège de Paris, 1871, faïence, inv. 20868-3. Photo (C) Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Emilie Cambier