Recevoir un legs ou un don est toujours une expérience enrichissante car au-delà de la valeur intrinsèque de l’œuvre perçue, c’est pour le musée l’opportunité de relier une œuvre à la mémoire d’une personne ou d’une famille. L’objet donné devient le véhicule de cette mémoire, véhicule d’autant plus précieux que le donateur transmet une œuvre qui a pour lui une valeur affective, afin qu’il soit vu, étudié et apprécié par le plus grand nombre. Ces dons contribuent ainsi au passage de la mémoire à l’histoire et à la diffusion de cette dernière.
Madame Signorino a récemment légué au musée de l’Armée un tableau de François-Gabriel Lépaulle (1804-1886), élève de Jean-Baptiste Regnault (1754-1829) et d’Horace Vernet (1783-1863), né à Versailles en 1804. Artiste prolifique, il expose régulièrement au Salon à partir de 1824 et obtient une médaille de seconde classe au Salon de 1831. Il est notamment l’auteur de nombreuses scènes de batailles ainsi que de tableaux religieux.
Le tableau légué au musée date de 1857 et représente le lieutenant-colonel Louis-Julien Signorino portant la tenue d’officier d’infanterie. Il est représenté de face, tenant son shako sous le bras droit.
Né à Saverne, dans le Bas-Rhin, en 1813, Louis-Julien Signorino débute sa carrière militaire en 1831, comme engagé volontaire au 26e régiment d’Infanterie, il passe une partie de sa carrière en Algérie et gravit les échelons pour atteindre le grade de général de brigade en 1869. Il décède en 1870. En 1857, il s’est déjà illustré au cours de plusieurs batailles, notamment lors de la campagne d’Algérie où il se distingue lors du combat du 4 juillet 1843 à Zamora (Oran). Il participe également à la campagne de Crimée (1853-1856) au cours de laquelle il est blessé à la cuisse, le 7 juin 1855, à Sébastopol. Il reçoit la médaille de Crimée, visible sur le tableau, à côté de celle d’officier de la Légion d’Honneur. Deux ans après l’exécution de ce tableau, le colonel Signorino va jouer un rôle au moment de la campagne d’Italie, en 1859, lorsqu’il succède au colonel de Chabrières (1807-1859) comme chef de corps du 2e régiment d’Infanterie étranger et se distingue pendant la bataille de Solferino, le 24 juin 1859.
Madame Signorino a également donné au musée un dessin au fusain, daté entre 1900 et 1912, représentant le fils de Louis-Julien, le capitaine Marie-André-Maurice Signorino. Ce dernier né en 1865 à Tours, débute sa carrière militaire en 1885. Il est nommé sous-lieutenant en 1888 et passe toute sa carrière dans différents régiments d’Infanterie et accède au grade de chef de bataillon (territorial) d’Infanterie, major de la Garnison de Cherbourg en 1916. Le capitaine Signorino participe à la Première Guerre mondiale et obtient la croix de guerre.
Ces deux œuvres, tant par leur sujet que par leur date de création, s’intègrent parfaitement aux collections du musée de l’Armée. Le tableau représentant Louis-Julien Signorino fait ainsi écho à l’exposition Napoléon III et l’Italie, La naissance d’une Nation 1848-1870, qui s’est déroulée au musée de l’Armée du 19 octobre 2011 au 15 janvier 2012.
Hélène Reuzé, assistante de conservation
Crédits photos : ©Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-GP / image musée de l’Armée