Dans le cadre du redéploiement des pièces d’artillerie composant la Batterie triomphale de l’hôtel national des Invalides, le musée de l’Armée a fait restaurer huit bouches à feu prussiennes. Ces canons font partie d’une série appelée les douze électeurs et commandée en 1708 par le premier roi de Prusse, Frédéric Ier de Hohenzollern (1657-1713). La restauration de cet ensemble a permis de restituer l’ornementation et les inscriptions de ces pièces et de mieux comprendre leur décor symbolique.
Afin d’affirmer la légitimité du royaume de Prusse et de ses souverains dans la conscience de ses sujets, mais aussi dans celles des cours européennes, Frédéric Ier a créé une symbolique forte autour de sa dynastie. Cette série de canons, dont chacun est à l’effigie d’un des 12 électeurs de Brandebourg de la maison des Hohenzollern, en est un bel exemple. Ces canons, même s’ils sont dédiés à des électeurs différents, respectent tous la même formule iconographique : les culs-de-lampe et les anses sont ornés d’aigles
couronnées aux ailes entrelacées, l’une brandebourgeoise et coiffée du bonnet électoral, l’autre prussienne et coiffée de la couronne royale. Le premier renfort présente un cartouche dans lequel Frédéric Ier rend hommage à ses ancêtres, ce cartouche est surmonté des armes de l’électeur auquel le canon est dédié. C’est au centre de la volée qu’est sculpté le portrait en pied de l’électeur. Chacun d’eux est représenté avec les attributs électoraux : bonnet, manteau, sceptre et épée. Ce portrait surmonte un cartouche dans lequel sont inscrits, en latin, les titres et hauts faits de l’électeur en question. Dans la partie supérieure de la volée, sont présentées les armes et la titulature du grand-maître de l’artillerie. Enfin, de multiples frises constituées de trophées militaires et d’éléments décoratifs végétaux, héraldiques et mythologiques viennent enrichir le décor de ces pièces d’exception.
En 1744, lors de la Guerre de succession d’Autriche (1740-1748), Frédéric II de Prusse les utilise pour assiéger Prague. La ville est prise en septembre 1744, mais une contre-attaque autrichienne oblige les Prussiens à évacuer la ville en y laissant l’artillerie lourde, que les Autrichiens emmènent à Vienne. En 1805, lors de l’occupation de la capitale autrichienne par Napoléon Ier, l’armement entreposé à l’arsenal est en grande partie saisi et envoyé en France. Les canons de Frédéric Ier sont amenés dans les arsenaux de Metz et Strasbourg pour y être fondus. Seuls quatre d’entre eux le sont, en 1814 pendant le siège de Strasbourg, pour fabriquer de la monnaie. Les huit canons restants sont amenés à Paris en 1832 pour constituer une batterie dite « triomphale », composée des plus remarquables pièces d’artillerie étrangères alors conservées dans les arsenaux. Aujourd’hui, ils sont toujours exposés le long des douves de la façade Nord des Invalides.
Christophe Pommier, département Artillerie