Les ateliers de restauration du musée (cuir, textile et métal) se sont récemment associés pour restaurer trois mannequins antiques (un chef gaulois, un gladiateur et un légionnaire romain) appartenant à la Galerie du Costume de guerre, un ensemble de plus de 70 mannequins grandeur nature réalisés en 1876 par le musée d’Artillerie (ancêtre du musée de l’Armée) et évoquant le costume guerrier de la préhistoire au XVIIIe siècle.
Cet ambitieux projet didactique, réalisé à l’initiative du Colonel Le Clerc et rassemblant, par exemple, de spectaculaires guerriers grecs, des chevaliers médiévaux ou des combattants des Guerres de Religion, met en contexte les objets conservés par le musée et synthétise les connaissances du temps en matière d’archéologie militaire. En 1877, une seconde série de 77 autres mannequins est à son tour mise en chantier, consacrée aux costumes, parures et équipements des guerriers des quatre continents non européens. Cette galerie anthropologique – créée un an avant qu’un musée d’ethnographie ne s’ouvre dans le nouveau palais du Trocadéro – se donnait comme objectif de présenter des « types originaux » de guerriers exotiques, équipés tels qu’ils pouvaient l’être vers 1810, antérieurement donc, à « l’invasion européenne » et non contaminés par les usages occidentaux.
Très admirés dès leur installation, ces deux ensembles sont très rapidement publiés et sont traités par les illustrateurs qui les reproduisent comme une source documentaire à part entière. Leur maintien dans les salles du musée fut pourtant relativement court ; à partir de 1917, les mannequins de la Galerie Ethnographique sont peu à peu démontés pour faire place aux aménagements du nouveau musée de l’Armée. Les accessoires et armes originales – et, vraisemblablement, certaines des habiles reconstitutions réalisées par les ateliers du musée – furent déposés au musée d’ethnographie du Trocadéro et sont aujourd’hui conservés au Musée du Quai Branly. Les figures de la Galerie du Costume de Guerre qui subsistent (une trentaine), présentées jusque vers 1980, sont actuellement préservées en réserve, mais restent des sources d’inspiration étonnamment vivaces, en dépit des approximations archéologiques qu’elles véhiculent parfois. A travers les encyclopédies illustrées du XIXe siècle (Racinet, Hottenroth…), régulièrement rééditées aujourd’hui, les mannequins du Colonel Leclerc continuent à irriguer illustrateurs, dessinateurs de bandes dessinées, costumiers de théâtre ou de cinéma, voire éditeurs de jouets…
Les trois mannequins antiques aujourd’hui restaurés, qui ne manquent pas d’allure, sont actuellement présentés dans le cadre de l’exposition « Péplum » proposée par le musée Gallo-romain de Lyon Fourvière du 5 octobre 2012 au 7 avril 2013. Naturellement, et malgré le soin qui a présidé à leur réalisation, ces reconstitutions, qui ne manquent pas d’allure, témoignent des conceptions archéologiques du XIXe siècle et ne correspondent plus tout à fait à ce que nous savons, aujourd’hui, des guerriers de l’Antiquité. Les moustaches, les tresses et les plumes du chef gaulois, le paquetage du soldat romain ou le pagne du gladiateur appartiennent cependant à l’imagerie traditionnelle de ces redoutables combattants, que ces mannequins, longtemps très appréciés des visiteurs du musée d’Artillerie puis du musée de l’Armée, ont largement contribué à populariser. Aujourd’hui conservées en réserve, ces figures spectaculaires ont impressionné les visiteurs de l’exposition de Lyon, comme en témoignent le blog Armae.com et rappellent que le musée d’Artillerie a fait partie des pionniers des études archéologiques….