Le musée de l’Armée a lancé une campagne de restauration et de récolement d’environ 300 œuvres de sa collection d’estampes des XVIe et XVIIe siècles. Ce travail est l’occasion de redécouvrir et d’enrichir nos connaissances sur une collection encore peu montrée.
Cette série d’estampes, exécutée majoritairement selon la technique de l’eau-forte et du burin présentait des problèmes de conservation : œuvres très encrassées, montage sur des supports secondaires causant des tensions, adhésifs inadaptés. Confié à deux restauratrices d’œuvres graphiques [1], le traitement de conservation-restauration a consisté en un dépoussiérage des œuvres, suivi d’un nettoyage, d’un démontage du support secondaire, de renforts des déchirures et d’une mise à plat. Les estampes ont ensuite été reconditionnées dans des pochettes de conservation en papier neutre. Témoins de l’histoire des œuvres, les supports ont été conservés et reconditionnés.
Parmi les œuvres traitées, le musée a pu redécouvrir des estampes de Romeyn de Hooghe [2]. Ces gravures, de la collection du Général Vanson, appartiennent à une série de huit planches tirées de l’Avis fidèle aux véritables Hollandois… attribué à Abraham Van Wicquefort [3] publié en 1673. Elles représentent des scènes de massacres et de pillages commis par les Français lors de la campagne de Hollande de Louis XIV en 1672. Cette guerre, qui se déroule de 1672 à 1678, oppose la France et ses alliés, parmi lesquels l’Angleterre, Münster, Liège, la Bavière, la Suède) à la Quadruple-Alliance qui regroupe les Provinces-Unies, le Saint-Empire, le Brandebourg et l’Espagne [4]. Le néerlandais Romeyn de Hooghe [5] est connu comme dessinateur, graveur, peintre, sculpteur et médailliste. Il a réalisé de nombreuses gravures sur des sujets mythologiques, historiques ainsi que des caricatures politiques de Louis XIV. Durant sa carrière, de Hooghe réalisa plus de 3500 œuvres.
A travers ces estampes, l’artiste représente les exactions de manière très crue. Ces événements provoquèrent l’indignation des princes allemands, mais aussi du roi d’Angleterre. Les actes de violence de l’armée française furent un thème essentiel de la propagande alliée [6]. Ceux qui s’opposaient à Louis XIV, comme le futur roi d’Angleterre le prince Guillaume d’Orange, donnèrent du roi l’image d’un homme cruel et agressif. Ces estampes montrent des scènes de tortures où on peut lire la terreur et la souffrance sur les visages des victimes. Cela contraste avec le plaisir malsain de leurs bourreaux. Les soldats français saccagent, massacrent et brûlent tout sur leur passage. Les villageois sont pourchassés, violentés et tués, certains sont faits prisonniers. Les femmes occupent une grande partie de ces œuvres ; elles protègent leurs enfants, leurs visages sont déformés par la peur et la douleur.
Réalisées au XVIIe siècle par Jacques Antoine Friquet de Vauroze (1648-1718), décorant l’ancien réfectoire sud-est de l’Hôtel des Invalides (salle Turenne). L’approche est très différente. Contrairement aux estampes hollandaises, elles célèbrent les exploits de l’armée française et non plus la violence de la guerre. Ce sont des peintures officielles et favorables à l’image de la France et de son roi. En 1673, Louis XIV fait le siège de Maastricht, au cours duquel d’Artagnan trouve la mort. Le musée de l’Armée repart prochainement sur les traces de ce héros dans une exposition consacrée aux mousquetaires [8].
Angélique KRAUSS, département Iconographie
[1] Laurence Caylux et Eve Menei.
[2] Né à Amsterdam le 10 septembre 1645 et mort à Haarlem le 10 juin 1708.
[3] Diplomate néerlandais (Amsterdam 1598-Celle 1682). Il publie en 1673 une œuvre de propagande hollandaise contre les forces françaises.
[4] Charles-Edouard Levillain, Vaincre
, Epoques Champ Vallon, 2010, p.173.
[5] Huigen Leeflang, Romeyn de Hooghe. De verbeelding van de late Gouden Eeuw, Zwolle, 2008.
[6] Jean-Christian
[7] L’exposition Mousquetaires ! se tiendra au musée de l’Armée du 2 avril au 14 juillet 2014.