Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, l’exposition présentée au musée de l’Armée, produite en partenariat avec la Bibliothèque de Documentation Internationale, montre la manière dont les artistes contemporains ont perçu le front à travers leurs œuvres. La ville de Thann, en Alsace, a été représentée par François Flameng, Charles Duvent ou encore Georges Scott, des artistes dont certaines œuvres sont exposées dans Vu du front. Représenter la Grande Guerre, ouverte encore pour quelques jours.
La commune alsacienne de Thann, devenue allemande en 1870, est restée très attachée à la France [1]. Au moment de la déclaration de guerre en 1914, toute l’Alsace est allemande. Une semaine seulement après le début la guerre, les troupes françaises entrent à Thann et occupent la ville. Malgré une contre-attaque allemande, la commune est défendue par les chasseurs alpins et, à partir du 14 août 1914, revient dans le giron de la France. Dès lors capitale de l’Alsace française, elle reçoit à ce titre plusieurs fois la visite du maréchal Joffre.
En janvier 1915, les combats pour la possession de la ville s’intensifient et Thann subit plusieurs bombardements successifs. Dès le début de la guerre, la ville compte déjà beaucoup de destructions : maisons, gare, usine de produits chimiques, rues bombardées ne forment plus qu’un amas de ruines. Située à 730 mètres de la ligne ennemie, l’église Saint-Thiébault reçoit quant à elle plusieurs obus qui n’endommagent que très peu sa façade.
Le musée de l’Armée conserve plusieurs œuvres représentant ou évoquant cette ville martyre pendant la Grande Guerre.
Dans une aquarelle datée d’octobre 1915, le peintre officiel Charles Duvent (1867-1940) réalise un Portrait de sœur Basiline, « l’héroïne de Thann » [2]. Pendant le premier bombardement du village, cette sœur de Saint Vincent de Paul transfère les blessés de l’hôpital de Thann pour les mettre à l’abri dans une cave. Pour son action, elle se voit décerner la croix de la Légion d’Honneur ainsi que la croix de guerre par le gouvernement français (voir portrait ci-dessous).
Quelques mois plus tard, François Flameng (1856-1923) immortalise à son tour le conflit à Thann en montrant un bombardement sur la ville [3].
Georges Scott (1873-1942) de son côté représente l’Eglise de Thann en août 1917 [4]. Un poilu affecté sur le front de l’Argonne à cette époque témoigne : « Toujours le même train de vie plutôt agréable : on ne se croirait pas en guerre. Cependant dans la direction de Thann, on entend des éclatements de bombes. Thann charmante petite ville qui comptait bien 800 habitants avant la guerre, en a conservé à peu près la moitié. […] L’église, ancienne collégiale, vraie petite cathédrale, est intacte, très belle. Les visiteurs n’y manquent pas. » [5]
L’armistice du 11 novembre 1918 met fin au martyre de la première ville française en Alsace. La reconstruction est rapide et, dès 1925, les traces laissées par les bombardements ont en grande partie disparu. Le 18 août 1919 Thann reçoit la croix de guerre.
Fanny Lefaure, département Iconographie
[1] A titre d’exemple, lors des élections du conseil municipal en 1871, sur 1800 électeurs seuls 15 votants – Allemands émigrés – votèrent.
[2] L’Œuvre de Charles Duvent, peintre en mission du ministère des Affaires étrangères aux armées, catalogue d’exposition, paris, musée des Arts Décoratifs, 1916. Paris, musée de l’Armée, inv. 09054 C1 ; Ea 467.
[3] François Flameng, Thann, 16 janvier 1916. Inv. 1068 C1 ; Eb 1227.
[4] Inv. 05439 C1 ; Eb 606.
[5] Carnets de route 1915-1918 d’Ernest Olivié, prêtre brancardier, samedi 20 octobre 1917.