17 04 2014

« La Défaite des Anglais en l’Île de Ré par l’armée française le 8 novembre 1627 » de L. de La Hyre

Après une importante restauration, le tableau de Laurent de La Hyre (1606-1656), est exposé pour la première fois au musée de l’Armée. Cette œuvre de jeunesse de l’artiste représentant un épisode qui lui est contemporain, la reconquête de l’Île de Ré par le pouvoir royal en 1627, est montrée au public dans l’exposition Mousquetaires !

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Une acquisition exceptionnelle

Le musée a acquis en vente publique le tableau de Laurent de La Hyre représentant La Défaite des Anglais en l’Île de Ré par l’armée française le 8 novembre 1627 [1]. Cette œuvre, inédite jusqu’à son acquisition [2], constitue l’une des premières représentations crédibles connues d’un épisode des guerres de religion : la reconquête de l’Île de Ré sous la conduite du maréchal Schomberg (1575-1632). Cette bataille est considérée comme un prélude à la prise de la Rochelle par les armées de Richelieu. L’œuvre marque d’un nouveau jalon l’art de représenter la guerre dans la première moitié du règne personnel de Louis XIII. Evocation d’un paysage maritime, avec en arrière-plan, la silhouette des bateaux anglais, et fait
d’arme, l’affrontement des cavaliers et des fantassins se déroule au premier plan, le tableau de La Hyre montre la maîtrise du jeune artiste.

Une scène de bataille très réaliste

En 1627, pendant le siège que les armées de Louis XIII font subir aux huguenots rochelais, cinq mille soldats et cent cavaliers anglais, menés par Georges Villiers (1592-1628), duc de Buckingham, envahissent l’île de Ré et assiègent Saint-Martin. Le comte de Toiras (1585-1636), gouverneur de l’île, résiste jusqu’à l’arrivée des renforts. Le 8 novembre, les troupes françaises opèrent alors leur jonction. Pris en étau, douze régiments anglais évacuent le bourg de Saint-Martin, en bon ordre, couverts par leur cavalerie. Obligés de réduire leur front avant de s’engager dans les marais, ils sont attaqués puis défaits. Les rescapés trouvent un abri dans l’île de Loix, où attendent les vaisseaux. Benjamin de Rohan (1583-1642), seigneur de Soubise, et frère cadet d’Henri II de Rohan, s’enfuit avec les Anglais.

La Défaite des Anglais en l’Île de Ré diffère des représentations fantaisistes ou allégoriques de sujets militaires contemporains. Dans cette vue panoramique et topographique, laissant un large espace au ciel, aucun groupe de dignitaires ne se détache, l’artiste montre l’affrontement des cavaliers et des fantassins sans distinction. Il inverse sa composition en montrant l’accessoire au premier plan et l’essentiel, la fuite de Rohan et de ses alliés, au loin.

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Probablement réalisée entre le mois de décembre 1627 et le début de 1628, cette œuvre témoigne du style de jeunesse de l’artiste, caractérisé par un sentiment direct du paysage, une science de la perspective, et un art du raccourci, perceptible notamment dans les chocs de cavalerie du premier plan. La perspective cavalière adoptée par La Hyre offre une vue d’ensemble ; la côte et les troupes sont rendues avec fidélité. Laurent de La Hyre s’est-il rendu sur les lieux de la bataille ? S’agit-il d’une réalisation d’un jeune artiste visant à obtenir la protection de quelque grand personnage ? De nombreuses questions sur les intentions ayant conduit le peintre à réaliser cette œuvre restent en suspens.

Une intervention fondamentale

Afin de mettre en valeur les qualités picturales de cette œuvre, une restauration fondamentale a été menée sur le tableau, après l’élaboration d’un dossier d’imagerie scientifique complet [3]. Les interventions sur la couche picturales ont été réalisées préalablement à celles du support : décrassage, enlèvement du vernis récent et des repeints. L’ancien rentoilage du tableau n’adhérant plus à la toile originale, il a été décidé de le démonter et d’appliquer une nouvelle protection au verso de l’œuvre. Après l’intervention sur le support, les lacunes ont été mastiquées et réintégrées et une nouvelle couche de vernis appliquée.

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Les visiteurs de l’exposition Mousquetaires !, qui se tient au musée de l’armée du 2 avril au 14 juillet 2014, pourront découvrir cette œuvre aussi moderne que raffinée, aux côtés des armes, armures et uniformes des mousquetaires de Louis XIII.

 

Sylvie Le Ray-Burimi, conservateur en chef, département Iconographie

[1] Achat à Paris, chez Sotheby’s, le 24 juin 2009, n° 44. Huile sur toile, h. 1,12 ; l. 2,10 m, Paris, musée de l’Armée, inv. 2009.27.1. Voir Sylvie Le Ray-Burimi, « Un tableau inédit de Laurent de La Hyre », Revue des musées de France – Revue du Louvre, n° 5, décembre 2009, p. 17-18.

[2] Seule une estampe dessinée et gravée par l’artiste représentant la même scène était connue. Voir Pierre Rosenberg et Jacques Thuillier, Laurent de La Hyre (1606-1656). L’œuvre et l’homme, Genève, 1988, cat. 56, p. 146-147.

[3] Restauration menée sous l’égide du C2RMF ; l’intervention de conservation-restauration de la couche picturale a été réalisée par Christine Mouterde-Le Seigneur, celle du support par Jean-Pascal Viala. Le tableau a ensuite été mis sous verre par Patrick Mandron.

 

© Paris – musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Emilie Cambier